Pour le contrôle technique 2RM : où en sommes-nous ? (partie 2)

Pour le contrôle technique 2RM : où en sommes-nous ? (partie 2)

Cet article s’inscrit dans la suite d’un premier texte publié pour répondre aux arguments classiques des opposants au contrôle technique moto. On le trouvera en suivant ce lien.  

La mise en place du contrôle technique des deux-roues motorisés a tout d’une série à rebondissements. Après avoir détaillé les arguments en présence (partie 1), nous revenons sur l’historique, en nous attardant sur l’aboutissement heureux de ce long combat.

Le point de départ de ce feuilleton est la directive 2014/45/UE du 3 avril 2014 qui impose la mise en place d’un contrôle technique au plus tard le  1er janvier 2022 pour les véhicules à deux ou trois roues ayant une cylindrée supérieure à 125 cm³. La directive prévoit, à défaut de mise en œuvre du contrôle technique,la possibilité d’opter pour « des mesures alternatives de sécurité routière » pour ces mêmes véhicules, en s’appuyant sur les « statistiques pertinentes de sécurité routière » pour en définir le contenu. C’est cette voie qui a été choisie par la Finlande, l’Irlande et les Pays-Bas.

Un décret (n° 2021-1062) est publié au journal officiel le 9 août 2021 instaurant les modalités du futur contrôle technique. Il est articulé en deux parties. Dans un premier temps la mise en place de « réseaux de contrôle » à partir du 1er janvier 2022, c’est-à-dire la formation d’agents de contrôle et l’achat de matériel.

Dans un second temps la mise en service de ces réseaux de contrôle de façon progressive  à partir du 1er janvier 2023.
Il est à noter que le décret va plus loin que la directive européenne. En effet, il étend l’obligation de CT à des véhicules plus petits dotés d’une cylindrée inférieure à 50 cm³  (L1e et L2e).Ce décret est suspendu sur simple annonce le 12 août 2021 soit seulement 3 jours après sa publication. La décision est prise par Jean-Baptiste Djebbari alors ministre des transports à la demande d’Emmanuel Macron. Celui-ci aurait jugé que ce n’était « pas le moment d’embêter davantage les Français »… enfin surtout des motards qui disposent manifestement d’un appui politique à l’Élysée.

À la suite du recours engagé par les associations Ras Le Scoot, Respire et Paris sans voiture, le juge des référés du Conseil d’État suspend en urgence l’exécution du décret n° 2021-1062 le 17 mai 2022. Cette décision qui peut paraître en contradiction avec les demandes de Ras Le Scoot  permet d’accélérer le calendrier. Le juge estime qu’un report d’entrée en vigueur, pour les véhicules les plus anciens, au-delà du 1er octobre 2022, n’est pas justifié. Il ne se prononce pas sur la suspension de M. Djebbari qui n’a fait l’objet que d’une annonce sans être traduite dans les textes.

Le Conseil d’État instruit ce dossier au fond et juge illégal le décret n° 2021-1062. La directive européenne prévoit effectivement un contrôle technique à partir du 1er janvier 2022 et non 2023 comme prévu par le décret.
À la date du 27 Juillet 2022 le Conseil d’État annule de façon rétroactive ledit décret, seulement en ce qu’il prévoit une date d’entrée en vigueur postérieure au 1er janvier 2022, c’est-à-dire qu’il impose son entrée en vigueur immédiate. Il annule aussi sa suspension (jugée irrecevable) par le ministre des transports.

La veille (26 Juillet 2022) est publié au journal officiel de la République Française le décret n° 2022-1044 qui enterre l’idée du contrôle technique pour les 2RM en dépit de la directive européenne et des décisions du Conseil d’État. En effet, ce décret abroge purement et simplement celui du 9 août 2021.

 

L’avis du Conseil d’Etat du 31 octobre 2022

Néanmoins, saisi de nouveau par les associations Ras Le Scoot, Respire et Paris Sans Voitures, le Conseil d’Etat annule ce décret et rétablit le décret abrogé le 26 juillet. La précédente décision du 27 juillet avait toutefois annulé le calendrier de ce décret qui devait à l’origine entrer en vigueur au 1er janvier 2023. Conformément à la directive, la date retenue pour la mise en place du contrôle technique des véhicules deux-roues motorisés se trouve donc fixée au 1er janvier 2022.

Rappelons que ce décret originel du 9 août 2021, allant plus loin que la directive, concerne aussi bien les deux-roues motorisés de moins de 125 cm3 que ceux d’une cylindrée supérieure. Or la directive ne vise que les plus de 125 cm3. L’entrée en vigueur anticipée imposée par le Conseil d’Etat ne concerne donc que ces derniers. Pour résumer, en l’état actuel du droit : 

  • Pour les plus de 125 cm3, le contrôle technique est déjà en vigueur, conformément à la directive. 
  • Pour les cylindrées inférieures, le contrôle technique entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

Le gouvernement doit néanmoins encore adopter des mesures d’application qui créeront les conditions concrètes de ce contrôle (centres agréés, points de contrôle). C’est tout l’objet de la concertation engagée par le ministre des Transports, Clément Beaune en novembre 2022. Précisons encore que si le Conseil d’État a rétabli le contrôle technique pour les moins de 125 cm3, ce n’est pas en raison de la violation de la directive, qui ne les concerne pas, mais à cause d’un défaut de concertation du public. Le Gouvernement pourrait donc, à la condition de respecter la procédure d’abrogation, revenir sur le contrôle technique des moins de 125 cm3. Il s’agit d’un autre point soumis à la concertation sur lequel nous exerçons une particulière vigilance !

En cette fin d’année 2022, Ras Le Scoot participe activement à la concertation pour obtenir la mise en place d’un contrôle technique de haut niveau, conforme à la directive européenne, pour tous les deux-roues motorisés, dans un délai convenable. Nous pensons parvenir à ce résultat, avec la publication des textes et leur soumission à consultation publique en début d’année, pour une entrée en vigueur mi-2023.

 

Modalités de mise en place

Conformément à la décision la plus récente du Conseil d’État, « La mise en œuvre effective du décret du 9 août 2021 pourra légalement être accompagnée de mesures d’application portant notamment sur un échelonnement dans le temps de la mise en œuvre du dispositif de contrôle technique, une différenciation selon l’ancienneté du véhicule, et précisant les conditions de mise en œuvre de ce contrôle, notamment s’agissant des normes techniques et de l’agrément des centres de contrôle technique. », ce à quoi Ras Le Scoot, fidèle à l’esprit pragmatique qui a toujours guidé son action, n’entend évidemment pas s’opposer.

 

Et la possibilité de mesures alternatives ?

Cette possibilité était offerte par la directive européenne mais le gouvernement a écarté cette voie de mise en œuvre avec le décret du 9 août 2021 qui prévoit le CT.

Après la « suspension » de ce décret, le gouvernement a commencé à parler de mesures alternatives, reprenant l’argumentaire de la FFMC.

Le Conseil d’Etat a ensuite rétabli le décret du 9 août 2021 dans lequel il est bien question de mise en place du CT et non de mesures alternatives. Néanmoins, comme le gouvernement a présenté la mise en place de ces mesures alternatives dans sa défense, le Conseil d’Etat a bien relevé que le gouvernement français a fait le choix de la mise en place du contrôle technique et dès lors qu’il ne dispose plus du temps nécessaire à l’implémentation de mesures alternatives. En outre, il juge sévèrement les mesures alternatives présentées qui ne sont pas de nature à répondre aux objectifs de la directive européenne, et dont certaines, ne sont qu’à l’état de réflexion.

 



Sources :

Directive européenne 3 avril 2014

Décret nº 2021-1062 9 août 2021

Suspension décret par Macron 12 Août 2021

La mise en place du contrôle technique des « deux-roues » ne peut être décalée au-delà du 1er octobre 2022 – Conseil d’État 17 mai 2022

Abrogation CT Borne 25 juillet 2022

Décret nº 2022-1044

Le Conseil d’Etat juge illégal le report du contrôle technique des « deux-roues » – Conseil d’État 27 Juillet 2022


Le contrôle technique des « deux-roues » doit être mis en œuvre – Conseil d’État 31 Octobre 2022

Abrogation décret nº 2022-1044